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10 000 km plus a l'Est
19 avril 2010

Le salon du coiffeur

Je n'aime pas aller chez le coiffeur. Parce que c'est long, parce que c'est bruyant, parce qu'il ne s'y dit rien d'intéressant. La parenthèse enchantée de Gwen et de nos papotes littéraires - mais pas seulement- s'est hélas refermée depuis qu'elle a décidé de mettre le cap sur la Rue Linière.

J'ai donc repris , en trainant les pieds, le chemin du salon. Celui-ci est a dû être conçu par un des ces architectes férus de modernité et sans aucun esprit de convivialité. Le béton ciré tapisse sol , murs d'un éclat glaçant. Nulle trace de couleur vive pour venir atténuer l'ambiance prison. Comble d'originalité (!), les coiffeurs sont comme partout en noir de la tête aux pieds (pour les chevronnés, ceux qui ont gagnés leurs galons à Paris), la piétaille préposée au brushing et au shampouinage ne méritant, elle, que le blanc.

J'arrive équipée pour affronter les longs moments d'ennui que me promet un RV coupe-couleur-brushing." L'Invité", de Hwang Sok-Yong est un roman très dur sur la Guerre de Corée. Plus généralement, il nous fait réfléchir sur le Mal, ce qui divise au lieu de rassembler, et peut amener des gens ayant grandi ensemble à s'entre-tuer pour des raisons idéologiques, ou plus vraisemblablement à régler leurs comptes à l'occasion d'un hoquet de l'Histoire.

Je laisse le roman à regret pour passer au bac. Contrairement au fauteuil en usage en France, celui communément utilisé pour la phase Shampoing au Japon est une merveille d'ingéniosité. Installé à environ 50 cm du bac proprement dit, son dossier bascule en arrière et vous amène le buste entier à l'horizontale, la nuque soutenue en douceur au bord du bac. Evidemment, pour obtenir l'inclinaison parfaite, il a d'abord fallu que la préposée au shampoing hisse l'assise du fauteuil à la hauteur adéquate . Il s'ensuit un passage assez comique, où vous vous êtes propulsé par petites secousses vars le haut, tandis qu'elle pompe sur la pédale à pied. Vous, essayant de garder votre composition pendant la transformation heurtée de votre siège en perchoir , elle, prenant l'air de rien, son masque professionnel et sans émotion posé comme toujours sur son visage.

Le shampoing ici est poussé au rang de grand art, l'eau toujours à l'exacte température dès le premier jet, l'enchainement des mouvements effectué avec virtuosité, alternant pressions douces et d 'autres plus vives, jamais votre crâne ne sera récuré sans ménagement. Le rinçage requière un soin minutieux qui doit consommer à lui seul au moins 50 litres d'eau pour éliminer définitiveent toute trace de shampoing ou de soin (fourni gracieusement). S'ensuit un tamponnage délicat du tour du visage, un séchage habile à la serviette, fait de mystérieux claquements de linge, puis d'une traque de la dernière goutte d'eau rebelle dans les replis de vos oreilles. D'un mouvement magistral, on vous ramène à la verticale, et un peu éberlué, vous descendez de vos hauteurs par une glissade planante. Plus léger que l'air, vous regagnez votre place votre place devant le miroir.

Je vous parlerai une prochaine fois du brushing à quatre mains, et de la technique de coupe, ainsi que, pourquoi pas, des codes couleurs qui ne doivent pas toujours être interprétés ici comme en France, cette histoire de chemises noires et blanches m'y ayant fait penser.

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