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10 000 km plus a l'Est
26 avril 2009

La cérémonie du thé

(...) Selon l’une des traditions, la cérémonie du thé serait née dans l’esprit d’un gentilhomme de Kyoto en regardant chaque jour un mendiant , installé sous le pont de la rivière Kamo, préparer son thé dans un pot de céramique grossière auquel l’âge et la fumée donnaient de la distinction, avec les gestes mesurés d’une personne à son affaire, et le boire ensuite avec un plaisir si manfeste, que le spectateur réalisa en un éclair tout l’agrément d’un acte si simple - et, pour vous évitez des périphrases – le cadeau qu’est la vie. Authentique ou non, j’aime cet apologue qui prouve une fois de plus que les véritables manières s’apprennent auprès de gens parfaitement frugaux. Le gentilhomme se mit donc en tête d’inviter ses amis autour d’un bol de thé pour recréer ce climat de bonheur rustique, de concentration possible, de connivence avec les objets. Il choisit avec soin les ustensiles indispensable, un pavillon intime et tranquille et des convives s’accordant assez bien pour que le silence soit aussi aisé à partager que la conversation. Les zennistes, qui avaient depuis longtemps fait du thé un auxilliaire de leurs veilles et avaient élevé ce breuvage à la dignité d’ingrédient spirituel, ne pouvaient manquer d’influencer cette nouvelle mode, comme ils avaient influencé toutes les formes d’activité intellectuelle ou artistique depuis l’époque Ashikaga, et ajoutèrent à cette réunion d’amis esthétisants une touche d’étiquette et de rituel – mais enfin juste ce qu’il fallait pour convenir aux Japonais qui ne pourraient respirer sans un peu de rituel (le rituel étant à leur culture ce que la sauce de soja est à leur cuisine).

Mais tout cela était bien moins pédant qu’il n’y pourrait paraître aujourd’hui, car ces attitudes mentales –celles du zen- étaient dans l’air qu’on respirait, étaient encore naturellement vécues par beaucoup, ne faisaient pas encore l’objet d’une montagne d’exégèses, d’analyses ou de codifications.

Comme on peut s’y attendre, il y eu bientôt des maîtres. Mais à en juger par les ravissants petits ermitages qu’ils s’étaient bâtis, ces sensei (maîtres) devaient encore êtres des gens plein de suc et accessible à une sorte d’humour. Si un objet venait à manquer, n’importe quel autre objet pouvait faire l’affaire pourvu qu’il ne soit pas trop voyant. En outre, il s ne jouaient pas aux mystérieux,et reconnaissaient simplement que la simplicité n’est pas un exercice facile. Il y avait à l’origine de tout cela une idée juste et magnifique qui pendant un temps s’incarna avec grâce. Naturellement, ce point d’équilibre et de convergence est un paysage mental et ce qu’il faut bien appeler une cérémonie ou un divertissement, n’est n’est qu’un moment historique privilégié et transitoire.Ensuite, on a les miettes, l’acte et l’idée, mais elles ne se rapportent plus exactement, et dans l’interstice, les exégètes et les pédants et les raseurs s’installent et glosent et pontifient et la cérémonie du thé, après avoir été un " repos du guerrier " , devient un exercice de simplicité, d’ailleurs fort couteux et aride, pour aristocrates désoeuvrés, puis une performance fastidieuse vidée du contenu. [ …]La fraicheur s’est perdue en route, et quand la culture n’est plus fraîche elle empoisonne aussi sûrement qu’une moule avariée.

Notre Nicolas devait être au bas d’une de ces montagnes russes de l’humeur que l’on emprunte cycliquement au Japon pour étaler ainsi sa déception du Bonheur Perdu. Ou alors, il n’a pas eu la chance de rencontrer une sensei de qualité, assez subtile pour repérer tous ces travers et ne pas y tomber, mais au contraire, continuer d’entretenir le vrai sens de la cérémonie du thé : le goût des choses simples et de l’hospitalité.

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