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10 000 km plus a l'Est
2 mars 2009

De l'humilité et de la liberté intérieure.

Je relis en ce moment "L'échappée belle - éloge de quelques pérégrins" de Nicolas Bouvier. C'est François qui m'a fait découvrir cet écrivain, en m'offrant tout d'abord "Chroniques Japonaises", un bijou, puis "Journal d'Aran et d'autres lieux". Qu'il en soit ici mille fois remercié. François (Laut) connaît bien Nicolas Bouvier pour l'avoir rencontré . Il a réalisé l'année dernière une biographie sensible (*) qui rend hommage, par son style même, à cet écrivain-voyageur, puisque c'est ainsi que Nicolas Bouvier se définissait lui-même.

Je relis donc L'échapée belle . J'aime beaucoup ce passage où il définit très humblement et très justement ce qu'il considère être le métier d'écrivain :

" Au retour d'une absence qui avait duré presque quatre ans et m'avait conduit au Japon, j'ai compris que si je gardais tout cet Orient dans ma tête, elle allait éclater comme une citrouille trop mûre.Il fallait que je raconte.

Je me suis alors mis au travail, à l'établi pour me forger des mots comme autrefois on forgeait les clous, avec l'aide d'une pléiade d'écrivains aujourd'hui disparus et auxquel je dois presque tout. J'adore les dettes ; un homme sans dettes ne m'inspire pas confiance. La phrase la plus stupide que j'ai entendue à mon retour - c'était :"MOI je n'ai jamais rien dû à personne".

[...]

L'essence de la bonne écriture n'est donc pas pour moi le talent - notion spécieuse et floue - mais le courage de dire les choses telles qu'elles sont et non comme un concensus de personnes "autorisées" souhaiteraient qu'on les ait senties.

Dans ce travail de cordonnier, je me suis très vite heurté aux insuffisances du langage qui découlent souvent de nos carences personnelles, mais existent aussi objectivement. [...] En cherchant à rédiger ce qui devait être le simple compte rendu d'une longue route, je me suis aperçu qu'un certain nombre de choses refusaient d'être dites, et que plus elles étaient centrales et essentielles, plus elles renaclaient à être réduites à des mots.[...]

Le meilleur comme le pire de ce que nous vivons ne peut pas être dit.

Les mots ont leurs limites parce qu'ils ont une odeur, une couleur, une histoire,  une opacité. Ils ont été mêlés à quantité d'affaires louches et sont fichés à la police. Ils ont traînés dans toutes les bouches comme de très vieilles cuillères. Ils ne peuvent exprimer pleinement ni l'horreur ni la félicité de vivre."

(*) "Nicolas Bouvier - L'oeil qui écrit" par François LAUT, éditions PAYOT, Collections Voyageurs.

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