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10 000 km plus a l'Est
3 février 2008

Cambodge - 4ème jour

Pour le plaisir, je retourne ce matin a Ta Prom, " a la fraîche". Le soleil est voilé. Tant mieux. Hier, la chaleur était écrasante avec 38ºC, et même mon guide avait envie d'abréger ... Sur la route, je croise des ouvriers, ou peut-être des fermiers en route pour le travail. Bicyclettes lourdement chargées du bois pour le feu, ou transportant d'énormes nasses a poisson cylindriques. Des familles entières sont juchées sur des petites motos Honda. Mon tuk tuk s'arrête pour faire le plein a la "station service".DSC03342

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Ce matin, les touristes sont plus rares, je m'installe tranquillement dans les ruines pour humer l'atmosphère. Le silence est a peine troublé par le cri des ménates, l'écho lointain de mantras que l'on psalmodie. Un gardien balaye  nonchalamment quelques feuilles. Il attend le prochain guide pour taper un brin de causette, le temps que les touristes sacrifient tour a tour au rituel de la photo devant les racines géantes. Ces arbres qui ont si bien envahi le temple appartiennent a la famille des ficus. Impressionnants par leur taille, ils sont en fait creux, ce qui expliquent qu'ils n'aient pas complètement écrasé le temple de leur poids.

Je fais un stop au retour au "Angkor National Museum", flambant neuf, dont les explications en multi-média complètent utilement celles que j'ai reçues hier.

Je termine ma visite de Siem Reap par un tour au Old Market. C'est en fait une sorte de Souk asiatique, avec beaucoup d'articles pour touristes. La partie alimentaire est plus intéressante. Les poissons et gambas y sont vendus dans des conditions d'hygiène ... incompatibles avec un estomac occidental. Entassés dans une cuvette a la propreté douteuse, les poissons plus morts que vifs marinent dans un peu d'eau brunatre. Un bloc de glace est vaguement posé au milieu, histoire de  sauver les apparences.
Plus loin, une femme écaille au couteau un poisson qui gigote encore. Sa voisine le débite en morceaux et les pose sur une toile cirée a même le sol, indifférente aux mouches qui s'agglutinent sur la carcasse.
Ailleurs encore, des saucisses pendent, dégoulinantes de graisse. Elles côtoient des poissons séchés. Des poissons Gobi ? A l'état vif, ils ne font guère envie, sorte de croisement brun sombre visqueux, a mi-chemin enttre la carpe et l'anguille.

Les étalages de fruits sont en revanche magnifiques. DSC03351

Au rayon des expériences gustatives, j'ai essayé diverses choses aujourd'hui :
- le milk fruit. Sorte de kaki a la peau violette. Il doit son nom a son jus, blanchatre, qui laisse le tour des lèvres et les dents tout collants. L'intérieur est rosâtre, très peu sucré, pour tout dire, pas très bon...
- le jus du fruit du palmier local. Assez court de tronc, aux feuilles larges, pratiques pour tresser les murs et recouvrir les toits des maisons. Le jus a un goût bizarre, sucré de prime abord, mais avec un arrière-gout d'eau de vaisselle ...je repose discrètement le gobelet sans le terminer tout a fait.
- a midi, j'ai dégusté l'Amok, la spécialité locale : sorte de curry soit au poulet, soit au poisson. Trés bon.
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Pour finir, un petit mot sur le pays et son histoire récente.
La Guerre civile a commencé en 1975, avec l'arrivée des Kmers rouges au pouvoir. Entre 1975 et 1979, elle a fait 2 millions de morts sur une population de  7 millions de Cambodgiens. Pol Pot, Khieu Sampham, Ieng Sary, Douch ...L'horreur a été engendrée par une poignée de jeunes hommes discrets et raffinés, étudiants brillants a la Sorbonne, qui aimaient a fréquenter les cafés du Quartier Latin. Entre le 17 avril 1975 et le 7 janvier 1979, les hommes en noir ont saigné leur propre peuple. Ils l'ont entraîné dans une hallucinante régression, dans leur désir absolu de changer l'ordre des choses et d'abolir l'ordre bourgeois. Comme pendant la Révolution Culturelle en Chine, mieux valait ne pas montrer que l'on avait la moindre bribe de savoir, sous peine de finir torturé puis assassiné. Même les sages-femmes n'osaient plus dire ce qu'il fallait faire au moment des accouchements, laissant la place a des matrones incultes, dont les méthodes douteuses faisaient souvent plus de mal que de bien. Il a fallu atteindre 1998 pour que les derniers chefs Khmers rouges, vaincus, déposent les armes de leur utopie sanglante. Cette idéologie Khmer rouge, cette négation de l'histoire, a causé des souffrances inimaginables a tout un peuple qui encore aujourd'hui a du mal a s'en remettre. Jusqu'ici au Cambodge, aucune autorité morale n'a décrété les Khmers rouges coupables de cette monstruosité. Certains, dont Pol Pot, sont morts de vieillesse sans avoir jamais été ni jugés ni traduit en justice. D'autres dirigeants de haut rang attendent leur procès, prévu pour le premier trimestre 2008, devant un tribunal international, composé avec difficulté après 6 ans de négociations entre l'ONU et le pouvoir cambodgien. En réalité, personne ne voulait vraiment de ce procès, ni les USA qui ont plongé ce pays dans la guerre, armé les Khmers  Rouges contre le Vietnam et qui ne reconnaissent pas ce tribunal. Ni la Chine qui a toujours soutenu inconditionnellement le régime de Pol Pot ; ni l'ex-roi Sihanouk, tour a tour pro- et anti- Khmers Rouges. Ni le régime actuel de Hun Sen qui a combattu les hommes en noir mais craint de perdre le contrôle d'un procès soutenu par des instances internationales...qui avaient en leur temps accueilli les Khmers rouges a l'ONU ! Le pays a pourtant un besoin vital de ce débat , pour reconnaitre coupables et victimes, et pouvoir enfin tourner la page.
(J'ai utilisé pour ce texte de larges extraits de l'article de Jean-Paul Mari, Nouvel Observateur nº 2242 du 25/31 octobre 2007 sur les Khmers Rouges).

Pour aller plus loin sur la question ou pour agir en faveur de l'Enfance au Cambodge :
- "S-21 ou les crimes impunis des Khmers rouges". Ed. Autrement, avril 2007, par David Chandler.
- "Pol Pot, frère numéro un", par David Chandler, Plon, 1993.
- www.enfantsdu mekong.com
- www.artisansdangkor.com

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