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10 000 km plus a l'Est
3 février 2010

Une leçon d'éducation

Ikeda san a grondé son fils. L'a secoué, l'a engueulé, lui a remonté les bretelles. Pourtant, il était bien à plaindre : il venait de rater son examen pour être admis en formation de pilote de ligne. Un rêve que toute sa famille partageait. Avec fierté, ils nous en avaient parlé lors du repas de Noël. Tout le monde y croyait. Depuis plusieurs mois, il enchainait les épreuves, franchissant avec aisance les obstacles. Tendu comme un arc, bardé de confiance en soi - inconscient-  il volait de succès en succès. L'un après l'autre, les obstacles tombaient. Le but se rapprochait. Après l'oral, la dernière épreuve, il était plutôt content de lui. Dans son esprit, c'était quasiment sûr : il était le meilleur, il serait pris.

Mais le verdict est tombé : NON RETENU. C'est l'échec. Sa froideur de béton lisse, son opacité de muraille, sa verticalité insurmontable. L'impuissance. La fierté écrasée. L'avenir qui s'engloutit. A 21 ans, Daisuke connaît son premier échec sérieux. Sous le choc, il n'a rien avalé le Vendredi. Son père avait pourtant réservé dans un bon restaurant pour célébrer, victoire ou pas, les efforts entrepris. Il n'a pas parlé non plus, pas dit un mot. On l'a laissé tranquille. Ses parents, tout aussi déçus que lui sinon plus, ont ravalé leur amertume et leur peine. L'ont consolé. Soutenu.

C'est au troisième jour de mutisme qu'Ikeda san a explosé. Choquée. Incrédule devant le fait que, une fois le choc passé,  son fils n'ait pas un mot de remerciement pour sa famille. Pour son père surtout, qui s'était beaucoup impliqué, l'avait beaucoup encouragé. Mais lui, tout centré sur sa peine égoiste, dans le noir étroit de son ressentiment, boudait sans retenue. Sans une pensée pour les autres. Sans un geste. Sans une parole gentille. Comme un gamin. Et ça, Ikeda san ne l'a pas accepté. Echouer, ce n'est pas la question. Ses parents ne lui en veulent pas, ils ont bien vu qu'il a donné tout ce qu'il avait. C'est la façon de vivre l'échec qui ne va pas. Elle attendait de lui qu'il affronte cet évènement de la vie en adulte, et exprime sa gratitude envers ceux qui l'ont aidé à arriver jusque là. Qui ont partagé ses joies, et ses peines. Elle attendait autre chose qu'une rumination égoiste, enfantine. En le grondant, elle fait son devoir de mère : elle le fait grandir, elle en fait un adulte.

Cet échec, s'il le digère bien, et s'il en profite pour mûrir, sera peut-être la meilleur chose qui lui soit jamais arrivé. Ne pas être ivre de soi-même et de ses succès, absorber les épreuves comme autant d'occasions d'apprendre sur soi-même, de se polir, de se bonifier... pour ne pas être un colosse aux pieds d'argile. Tendu et détaché en même temps. Un beau programme, exigeant, Zen !

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